De Véronique Moysan , ancienne avocate, dans « Voleurs de justice »
« – De toute façon, Maître, rassurez-vous, bientôt tout cela sera fini. Vous allez tous vous mettre à la procédure écrite. Vous n’aurez plus besoin de plaider. Et nous, nous n’aurons plus besoin de vous écouter.
Les magistrats n’aiment pas écouter les avocats, voire n’aiment pas les avocats. Le but à terme, on le connait tous : l’uniformisation, voire l’uberisation, des procédures en commençant par les rendre écrites. Pour moi, sans les plaidoiries, tout l’intérêt du métier fout le camp. Déjà, depuis l’arrivée du nouveau Président, c’est la loterie. Une victoire, une défaite, tu ne sais pas pourquoi puisque le problème juridique est le même dans les deux dossiers. Aucune cohérence, aucun raisonnement, aucune justification. En fait, je le soupçonne d’incompétence magistrale. Et, pourtant, il préside. »
…
« Monsieur le juge,
Dois-je dire à nos clients communs, car sans justiciables, ni vous ni moi ne serions là, que vous êtes impuissant à rendre justice.
Nous souffrons tous du manque de vos moyens, l’Etat de droit au premier chef, le justiciable au second.
Déjà, les délais … Attendre n’est envisageable que si, et seulement si, nous avons la certitude d’obtenir une décision de justice digne de ce nom, une décision qui répond aux questions posées de manière objective, impartiale et, autant que faire se peut, juridique. Une réponse judiciaire qui, même négative, est comprise et acceptée par ceux qu’elle concerne. Ni plus ni moins qu’une décision qui fasse œuvre de justice. Genre, une décision qui répond aux exigences minimales du code de procédure civile…
J’ai toujours été partisane de la simple humanité du juge. Peut-être que lui aussi a trois adolescents à la maison et un petit dernier pour la route qui ne fait toujours pas ses nuits ; peut-être que le désert de sa vie intime le ronge ; peut-être que les jérémiades des justiciables l’épuisent ? Bref, qu’il a une petite baisse de moral, et que, comme tout un chacun, il peut lui arriver de faire de la merde parce que, pour couronner le tout, son chef de juridiction est un gros blaireau. »
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« Les rapports houleux entre la magistrature et le barreau n’ont rien d’anecdotique. A tel point qu’ils font l’objet régulier de rapports de la chancellerie et des barreaux confirmant l’insolubilité du problème. A chaque fois, des constats sont faits et des pistes de travail données. Sans trop de résultats. »
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« Faut-il en tirer des conclusions sur un conflit latent, parfois armés, entre les deux professions ?…
Ma petite préférence va à la vision qu’une certaine magistrature a des avocats, à savoir des empêcheurs d’accéder à la vérité. Encore faut-il se mettre d’accord sur la définition de la vérité. Le jugement s’impose comme vérité sans pour autant l’être forcément. Il s’agit de la fiction de la vérité judiciaire. « Res indicata pro veritate habetur » (La chose jugée est tenue pour la vérité). Si ça, ce n’est pas un abus de pouvoir légalisé. »